Cérémonie d'ouverture de la conférence Développement durable et dette soutenable
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Cérémonie d'ouverture de la conférence Développement durable et dette soutenable

Discours — 02 décembre 2019

Excellences, chers collègues et frères,

Madame la Directrice Générale du Fonds monétaire international,

Madame la Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies,

Monsieur le Vice-président de la Banque Mondiale pour la Région Afrique,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Madame la Présidente du Haut Conseil des Collectivités territoriales,

Madame la Présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental,

Mesdames, Messieurs les Ministres d’Etat,

Mesdames, Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs les Chefs de délégations,

Monsieur le Président du Cercles des Economistes,

Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations internationales,

Chers invités,

Je voudrais, à l’entame de mon propos, saluer les Chefs d’Etat des pays amis et frères qui, malgré leurs agendas chargés, ont répondu à notre invitation, rehaussant ainsi de leur présence cette Conférence internationale.

Merci cher frères. Votre participation personnelle témoigne de notre ambition commune de poursuivre ensemble nos objectifs de développement durable, dans un esprit de solidarité et de dialogue confiant avec nos partenaires.

A vous et à tous les participants, je souhaite une chaleureuse bienvenue au pays de la Téranga.

Je salue et remercie Madame Kristalina Georgieva, pour sa participation et cette première visite officielle sur le continent africain, en sa qualité de Directrice Générale du FMI.

Je vous renouvelle, chère Kristalina, mes sincères félicitations ainsi que mes vœux de succès dans l’exercice de votre mission.

Merci également à Madame Amina Mohammed et à Monsieur Hafez Ghanem, pour leur participation appréciée, et au Cercle des économistes, notre partenaire dynamique dans l’organisation de cette conférence, aux côtés du FMI.

En organisant cette rencontre sur la thématique dette et développement, nous voulons offrir l’occasion d’échanges approfondis, posés et sereins, sur une question qui a toujours été et qui restera essentielle en matière de politique économique.

En effet, dans l’histoire des nations, la question de la dette des Etats a souvent nourri interrogations et débats, voire controverses, aussi bien entre spécialistes qu’au sein de l’opinion publique.

La problématique se pose encore aujourd’hui dans tous les pays, et peut-être de façon plus critique dans les pays en développement, au regard des besoins immenses et urgents en investissements pour le présent et l’avenir.

L’Afrique en est un exemple illustratif. D’ici 2050, la population du continent va doubler, pour dépasser le seuil de 2 milliards, contre 1,3 milliard actuellement.

Ce doublement de la population africaine en une génération fera ainsi du continent le premier réservoir mondial de main-d’œuvre ; d’où une réelle opportunité pour accélérer notre marche vers le développement.

Je dis opportunité, parce que pour mettre à profit ce dividende démographique, il nous faut investir, encore investir et beaucoup investir.

Investir dans l’éducation et la formation pour des ressources humaines qualifiées, aptes à satisfaire les besoins du marché, à entreprendre et à créer des activités génératrices d’emplois et de richesse.

Investir aussi, et massivement, dans les infrastructures physiques et immatérielles. Rien que dans le domaine stratégique des infrastructures, les besoins en investissement du continent sont estimés à plus de 150 milliards de dollars par an, alors que les ressources que nous y consacrons annuellement, font environ 75 milliards de dollars.

L’Afrique est en quête d’émergence. Tout, ou presque, reste à construire dans nos pays. Le continent est aujourd’hui à l’image d’un avion en bout de piste, prêt au décollage. Il a besoin de toutes ses forces pour accroitre sa portance, vaincre la pauvreté et émerger. A cet effet, nous devons mobiliser nos ressources internes et faire appel aux financements externes, en investissements et prêts à long terme, pour réussir le pari de l’émergence. Ce faisant, nous nous inscrivons, non dans une dérogation quelconque, mais dans une logique de l’histoire économique, observée partout ailleurs.

L’endettement n’a jamais été en soi un problème dès lors qu’il est responsable et qualitatif ; c’est-à-dire qu’il finance l’économie productive, source de croissance, de développement et de bien-être social. En ce sens, la dette, investie dans des secteurs qui génèrent en retour plus de capacités productives, crée par elle-même les conditions de son remboursement.

Mais au-delà de l’économie au sens strict, il y a la question essentielle, je dirais même vitale, du financement de la sécurité. Le présent et l’avenir ne pourraient se concevoir sans sécurité. Il n’y a pas d’Etat sans sécurité. Il n’y a pas de liberté sans sécurité. Il n’y a pas de démocratie sans sécurité. Et il ne peut y avoir de développement sans sécurité.

Nul besoin d’insister sur le défi sécuritaire que nous imposent le terrorisme, l’extrémisme violent et les trafics transfrontaliers de tous genres. L’Afrique n’y échappe pas. Et la situation au Sahel en dit long.

Or, à l’échelle individuelle et collective, le réflexe naturel de tout corps agressé c’est de se défendre ; comme le font tous les pays exposés au péril terroriste. Là également, l’Afrique ne peut pas faire exception. Face à des groupes terroristes armés et déterminés à faire main basse sur des pays entiers, l’investissement dans les capacités de riposte des forces de défense et de sécurité devient, non pas une option, mais un impératif existentiel, une question de survie. Face à une agression, tout pays est obligé de s’équiper pour se défendre.

Il nous faut donc trouver les mécanismes afin de prendre en compte la situation exceptionnelle où des ressources en principe dédiées au développement sont déviées à l’effort sécuritaire, pour ne pas dire l’effort de guerre. C’est l’une des problématiques que veut poser cette conférence.

Puis, il y a le défi de la société du savoir qui fait de la science, de la technologie et de l’innovation de puissants leviers de croissance économique et de développement. Pour être au rendez-vous de la société du savoir, l’Afrique ne doit pas se satisfaire du concept vague de dividende démographique. Elle doit valoriser ce facteur, en investissant dans son capital humain, par une éducation et une formation de qualité qui contribuent autant que les infrastructures au progrès des nations.

D’autres investissements d’avenir peuvent aussi atteindre nos pays lorsqu’il s’agit de nous préparer à des rendez-vous inédits.

C’est le cas du Sénégal, et probablement d’autres pays africains en passe de devenir des producteurs de pétrole et de gaz naturel. Un de nos défis, pour tirer un avantage optimal de ces ressources, c’est sans doute de faire des prises de participation dans l’exploitation des gisements, aux côtés des sociétés partenaires.

C’est le cas pour le champ pétrolier de Sangomar et celui de gaz naturel Grand Tortue-Ahmeyim, en partage avec la République sœur de Mauritanie.

La prise de participation pour l’exploitation de ces gisements exige ainsi des ressources considérables qui ne sont pas toujours disponibles au plan national, malgré toutes les stratégies de mobilisation de recettes internes pour compter d’abord sur nos propres capacités d’autofinancement.

Il y a donc lieu de faire appel à des financements externes, suivant les bonnes pratiques d’autres pays, pour ne pas nous contenter seulement de royalties. Voilà un autre aspect du financement des politiques publiques qu’il nous faut prendre en considération dans la quête de l’objectif du développement durable.

Chers collègues,

Mesdames, messieurs,

Ces dernières années, l’Afrique a enregistré une forte augmentation de son niveau d’endettement. Selon les indications du FMI, le ratio de la dette publique africaine est ainsi passé de 35% en moyenne, au début des années 2000, à 55% du PIB en 2016.

Sur la même séquence temporelle, la tendance haussière a été observée au niveau global ; l’endettement public et privé ayant atteint en 2018, un niveau record de 184.000 milliards de dollars américains, soit 225% du PIB mondial.

L’Afrique n’est donc pas une exception. En réalité, ce qui handicape le continent, ce sont les préjugés et le regard stigmatisant posé sur lui. Lorsqu’il s’agit d’investir en Afrique, la perception du risque est toujours exagérée ; ce qui renchérit davantage le coût de l’investissement et de l’endettement. Or, à vrai dire, le risque en Afrique n’est pas plus élevé que dans bien d’autres régions du monde.

Ensemble, il nous faut donc rechercher les moyens de déconstruire cette perception largement répandue en matière d’investissement et d’endettement de l’Afrique.

D’autre part, il n’est pas rare que des critiques s’élèvent contre les gouvernements au motif que la dette d’aujourd’hui est un fardeau pour les générations futures.

Or, en vérité, une dette soutenable est moins une affaire de solidarité intergénérationnelle que d’utilisation des ressources à des fins de développement, d’une part, et de solvabilité de l’Etat d’autre part, c’est à dire sa capacité de mobiliser des moyens pour rembourser ses emprunts.

En tout état de cause, des questions de fond me semblent aujourd’hui inévitables si nous voulons faire prospérer le partenariat pour le développement :

Comment financer les investissements d’aujourd’hui et de demain, sans mettre en cause la viabilité financière et budgétaire de nos Etats, à moyen et long termes ?

Quel niveau de déficit public et quel niveau d’endettement pour nos pays au stade actuel de leur développement ?

Est-il équitable et pertinent d’appliquer les mêmes critères pour les pays en développement où tout, ou presque est à réaliser, et les pays développés, ayant déjà terminé leur processus d’accumulation de capital ?

Voilà, entre autres, quelques problématiques que je voudrais soumettre à l’attention de notre Conférence. Ce faisant, je réaffirme en même temps l’esprit de convivialité et de confiance mutuelle qui anime nos relations avec nos partenaires bilatéraux et multilatéraux.

Cet esprit nous commande de poser un débat ouvert et sincère, mais tout aussi serein, convivial et confiant.

En définitive, ce que nous recherchons ici, c’est de contribuer, par une démarche lucide et concertée, à l’avènement d’une gouvernance mondiale novatrice, qui facilite l’accès aux ressources pour financer le développement, dans le respect des règles de soutenabilité de la dette et de viabilité budgétaire des Etats.

Je déclare ouverte la Conférence internationale sur le thème « Développement durable et Dette soutenable : Trouver le juste équilibre ».

Je vous remercie de votre aimable attention.